lundi 2 avril 2012

Azawad: Renouveau culturel ou nouvel Afghanistan?


Jusque dans les années 1990, les touaregs du Mali vivaient sous une chape de plomb imposée par la république du Mali depuis l'indépendance car les nomades avaient osés revendiqué un état séparé lors de la décolonisation en 1960. Mais Modibo Keita, le premier président de cette jeune république, ne le voyait pas comme ça: la république du Mali est "une et indivisible". La devise du Mali n'est il pas "Un peuple - Un but - Une foi". Le maréchal Pétain n'aurait peut être pas renié une telle devise.
Or le Mali est un état artificiel dont les frontières ont été tracées, tout comme pour beaucoup de pays en Afrique, au crayon sur des cartes d'état major. Ainsi Bamako est situé à 50 km de la Guinée et à plus de 1500 km de l'Algérie. Le peuple touareg est partagé entre 4 états: Mali, Niger, Algérie et Lybie. Les réalités économiques et rancunes historiques sont tout à fait conflictuelles... Un colonialisme bambara (Malien du Sud) avait succédé au colonialisme français.
Vers 1990, des combattants touaregs ayant combattu pour la Lybie (déjà) sur des théâtres d'opération tel que le Tchad étaient démobilisés et revirent chez eux au Mali. Leur retour provoqua la 2e rebellion touareg faisant écho à celle de 1963.
Les rebelles de l'époque avaient le romantisme d'Ibrahim Ag Braibone de Tinariwen. Leur but était la libération culturelle et politique d'un peuple opprimé. Mais le mouvement s'était finalement divisé entre groupes tribaux et la promesse de quelques postes juteux à certains leaders ou notables par le Mali avait achevé la dislocation du mouvements
Une nouvelle rébellion touareg secoue le Nord de Mali depuis le 17 Janvier 2012. Nième ersatz de soubresaut de l'irrédentisme touareg? Une nouvelle copie de 1963, 1991 ou encore 2006? Non
Depuis 2003, les rapports de force ont changé. Les salafistes, devenu AQMI (Al Qaïda au Maghreb islamique), se sont infiltrés petits à petits dans la zone, opérant des kidnappings contre des occidentaux et amplifiant les trafics en tout genre jusqu'alors limités à du trafic de carburant et de denrées alimentaires. Surtout en 2011, avec la chute du colonel Khadafi en Lybie, un nombre important de militaires d'origine touareg sont revenus au pays avec leur armes et bagages.
Malgré le déversement de milliards de francs CFA, le développement économique du Nord ne s'est pas véritablement fait, cet argent étant dépensé dans des projets inutiles mais surtout "filtré" en frais de fonctionnement par les ministères, les services techniques incompétants et les cadres locaux...
Le gouvernement du Mali a reçu des sommes conséquentes pour lutter contre AQMI mais sur le terrain, rien n'était fait. Cet argent a probablement été également "filtré" et AQMI pouve librement circuler dans cette région, certes très difficile à contrôler.
Pire, des trafics de drogue de grande ampleur ont lieu en toute impunité à tel point que des complicités aux plus hauts niveaux de l'état sont probables. Quand j'étais dans la zone en 2009, je me rappelle l'histoire d'un Boeing chargé de cocaïne qui finit brûlé. J'ai même vu à Gao, une ville pauvre pourtant, circuler un Hummer de luxe...
Voila pour le contexte exécrable du Nord Mali.
La progression de cette rebellion a été fulgurante ces derniers jours. Après Tessalit où la résistance a été vive, Kidal, Gao et enfin Tombouctou sont tombés très rapidement. Il faut dire que l'armée malienne est considérablement désorganisée par un coup d'état ridicule (le président en poste devait quitter le pouvoir 2 mois plus tard par un scrutin qui s’annonçait démocratique...).
Aujourd'hui les objectifs de guerre sont quasiment atteints et le drapeau de l'azawad, ci dessous, flotte sur les 3 ex-capitales régionales du Nord Mali.


Pourtant, je ne peux m'empêcher d'être pessimiste pour l'avenir de l'Azawad. Ces victoires rebelles ont largement été supportées par des groupes islamistes, notamment Ansar Dine. Ces derniers veulent établir un état islamique dans tout le Mali alors que les ambitions du MNLA (mouvement national de libération de l'Azawad) sont laïques et géographiquement limitées aux régions Nord. Déjà dans les villes libérés, semble t il, certains djihadistes essaient de mettre en place la charia, ce qui ne convient pas exactement à la culture touareg
L'Azawad n'est pas un territoire homogène. Les réalités économiques entre un riziculteur du fleuve Niger et un éleveur nomade des zones Sahariennes ne sont pas les mêmes. Les tribus et ethnies ne s'entendent pas forcément (Arabe, Songhay, Tamasheq...). Certains ont intérêt aux désordres, en premier lieu, les traficants de drogues (principalement....). Les cadres locaux ont été habitués à l'argent déversé et sont particulièrement corrompus.
Les cartes se sont subitement abattues sur la table. Les dés sont lancés et je ne sais pas comment l'Azawad va échapper à la guerre civile. Entre groupes ethniques, entre laïque et islamistes.
Je souhaite qu'une issue pacifique puisse voir le jour rapidement. L'indépendance me parait bien difficile dans la mesure où cela créerait un précédent important en Afrique et risquerait de déstabiliser les états limitrophes comme l'Algérie, la Lybie et surtout le Niger. La voie tracée par le Sud Soudan n'est d'ailleurs pas très encourageante.
Souhaitons que le MNLA puisse unir les peuples de l'Azawad, qu'il puisse s'entendre avec le Mali pour une autonomie véritable et qu'une véritable "guerre sainte" puisse permettre de chasser les islamistes d'AQMI, faute de quoi, l'Azawad risque de devenir un nouvel Afghanistan.
Tout est possible.


vendredi 14 janvier 2011

Quel avenir pour le Nord?

Ca fait bien longtemps que je ne fais plus guère d'effort pour compléter ce blog. Après tout, un souvenir doit être mis rapidement en ligne, sinon il est déformé avec le temps.
Hier par hasard je repasse sur ces pages et je constate, grace au nouvel outil statistique de google, que j'ai un grand nombre de "lecteurs" américains. Je fais d'ailleurs un petit bonjour "ami" des services de renseignements d'ici ou d'ailleurs.
Entre 2002 et 2009, j'ai passé près de 2,5 ans à Kidal. J'ai vu aussi arriver les premiers groupes armés salafistes. J'ai même été poursuivi par eux entre Inakarout et Tin Essako... C'est un milieu que je connais bien et j'ai bien vu la mentalité des gens se dégrader avec l'afflut massif d'argent pour une population finalement assez réduite. . Toujours les même dinosaures qui captent l'argent de l'aide au développement. la roue ne tourne pas là bas. Il n'y a pas de travail là bas. Les Ishumars sont nombreux et cette société est matérialiste.
L'ordre traditionnel est en pleine déliquescence. Les anciens ne sont plus respectés. Les dominations feodales des Ifoghas (et des Idnanes) est contestées par les Imrads et de toute façon cette autorité ne s'étend pas bien loin. Plus qu'oeuvrer à l'intérêt publique, il s'agit plutôt de se partager un butin. Et pendant ce temps à Kidal dans le quartier de Inturban, les islamistes prêchent et drainent les foules...
Alors prendre les armes en rébellion? le passé a montré que ça n'a rien apporté de bon.
Pourquoi alors ne pas préter attention aux sirènes des trafficants, les trafficants historiques d'abord (cigarette, lait en poudre...) et les traffics plus "modernes" (aventuriers, prostituées et bien sûr cocaïne). La limite vers le grand banditisme (islamiste, kidnapping...) est alors facilement franchissable pour peu que l'on ait une morale douteuse.
Quelle porte de sortie pour le Nord Mali aujourd'hui? Honnetement j'en vois pas à brève échéance? A l'heure où la France pleure 2 jeunes gens innocents kidnappés à Niamey en pleine zone sécurisée, la France et les occidentaux ne peuvent pas laisser perdurer cette situation.
Alors que faire? Qui connait mieux la région? Qui sont les plus à même (et peut être motivé car les islamistes rackettent leur traffics) à extraire cette gangrène alors que nombre d'entre eyx sont au chômage? les touaregs!
Mais voila, le gouvernement malien est obnibulé par les supposées ressources minières et pétrolières de la zone (que je sais de source sûr bien moins importante qu'escomptées, foi de géologue). Hors de question de perdre le controle de la zone et les touaregs sont des rebelles en puissance. Pas question de les armer. Pourtant un dispositif est prévu dans les accords d'Alger: des milices combinés.
Alors messieurs les décideurs du Mali, il est temps de se bouger. J'aimerais bien un jour avoir la chance de déguster tranquillement un bon bol de lait de brebis à l'ombre d'un datier sauvage!

dimanche 25 février 2007

Et que parle la poudre....

Dis moi Soueloum, où étais tu avant la rébellion?
Il prit sa guitare et joua un petit morceau de blues si typique des Tamasheqs.
"Tu sais jérôme, après la première rebellion, beaucoup de jeunes ont compris qu'il n'y avait pas d'avenir pour eux au Mali. Ils sont partis s'installer dans le Hoggar à Tamanghasset en Algérie voir même jusqu'en Lybie. Les grandes sécheresses des années 70-80 ont encore amplifiées le phénomène. Avec de jeunes tamasheqs, on s'est retrouvé sans travail en Lybie. A ce moment là bas, Khadhafi avait des ambitions de domination sur tout le sahara et cherchait à recruter des soldats pour ses combats dans le désert. Il nous avait sous la main et on s'est retrouvé dans des camps militaires. C'est là qu'on a pris conscience de notre cause. C'est là aussi qu'on a appris à jouer de la guitare qui ne nous a plus quitté depuis. Pendant la guerre du Tchad, on s'est trouvé nez à nez avec les soldats français et pour ainsi dire seul. Les lybiens avaient tous déguerpis...
Puis on a été démobilisé. Moi j'ai servi comme garde du corps à Yasser Arafat dans Beyrouth assiègé. D'autres sont partis ailleurs... Soldat aguerri, on s'est retrouvé au tournant des années 90 avec une idée en tête, retrouver l'Adrar..."
En Juin 1990, l'adrar vivait sous l'oppression de Moussa Traoré mais globalement la situation était calme. Pourtant ce jour là, "des étrangers" vont déclencher une rebellion armée et les touaregs du Mali faisaient leur retour dans l'histoire.
La guerre c'est pas jolie mais j'avoue ne pas pouvoir totalement la condamner quand il s'agit de défendre sa liberté et sa culture menacée.
Après tout, n'est ce pas un retour de l'histoire? Les toyota ont remplacé les dromadaires des razzia, les Kalachnikov la lance....
Donc tout commença par le prise d'assaut de la caserne de menaka par une poignet d'hommes donc Ibrahim Abrïbone, le guitariste chanteur du groupe Tinariwen qui aurait attaqué avec sa guitare dans le dos.... véridique!
Rapidement la rébellion s'est étendue à d'autres régions du Mali.... Les insurgés se sont réfugiés dans les montagnes du Tighaghar où l'armée est incapable de les déloger. Encore un parfait exemple d'un conflit où une armée nationale peu motivée est incapble de vaincre des partisans invisibles....
A plusieurs moments, de part et d'autres et surtout parmi ceux du fleuve, des massacres ont été perpétré. L'élite tamasheq de Tombouctou fut massacré par les bérets verts commandés par un certain général Amadou Toumani Touré (ATT pour les intimes), futur président du Mali. Ironie de l'histoire, il choisira un temps comme 1er ministre Ahmad Mohamed ag Hamani, frère d'un de ses notables massacrés à Tombouctou. Beaucoup d'habitants s'exilent un peu partout dans l'Afrique de L'ouest.
Cependant rapidement la division règna parmi les rebelles tamasheqs. Des conflits armés internes à consonnance tribale apparurent. Dans le Sud aussi, Moussa Traoré fut renversé.
Tout ceci aboutit au pacte national instaurant la décentralisation et à la création de la région de Kidal.
L'insécurité et brigandage perdureront jusqu'en 2000 avec des épisodes comme la bataille pour la créationde la commune d'Intedjedit.
Depuis Mai 2006, une rebellion armée a repris même si elle ne semble pas prendre la même ampleur. Elle revendique notamment une bonne application du pacte national dans un état qui reste très centralisé. Je me rappelle une réunion où le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'élevage nous parlait essentiellement d'agriculteur. Quand on connait les conditions climatiques de la région de Kidal où l'essentiel de la population sont des éleveurs à l'économie très précaire, ça fait sourire... Je croise les doigts pour qu'une solution pertinante soit trouvée prenant en compte les particularités du région hors norme.
Des guerres, toujours des guerres.... Est ce le prix de la fierté retrouvée?


PS: pour votre information, aux dernières nouvelles, après quelques espoirs mucicaux déçus en France, Soueloum a rejoint l'armée Lybienne du camarade Kadhafi

jeudi 28 décembre 2006

Un peu d'histoire

En 1960, leMali se libère de la tutelle française et est alors dirigé par le communiste Modibo Keita. C'est alors l'époque de la révolution culturel en Chine, du dogme communiste. Les jeunes élites africaines ont été formées en France dans le terro du socialisme, favorable à l'émancipation des peuples. Ce qui sera la future 8ème région du Mali a voté du bout des lèvres l'indépendance car les kel tamasheq savaient que cette indépendance ne va pas modifier le rapport des forces au mali en leur faveur... Ceci a des racines profondes....

Les Kel Tamasheq sont un peuple berbère originaire d'afrique du Nord et chassé dans le désert par la conquête arabe et l'islamisation. Ne sont ils pas des descendants de ces cavaliers numides qui combattirent à la bataille de Zama à l'époque d'Hannibal ou au moment de la guerre de Jurgutha. Bref... Donc ce groupe berbère est chassé vers le désert en partie car il refuse l'islamisation. Ils ont leur une religion polythéiste et une hierachie basée sur le matriarchat, c'est à dire que c'est les femmes. Aujourd'hui cette situation a bien changé mais à l'échelle du monde musulman, la femme tamasheq garde une place privilégiée.

Les Tamasheq se réfugient dans les montagnes du coeur du Sahara: le Hoggar en Algérie, l'Aïr au Niger et l'adrar des Ifoghas au Mali, y chassant alors les peuples qui y étaient arrivés avant. (j'ai jamais dit que les touaregs étaient des tendres...).Là se met en place une société de type tribale et féodale. Les Tamasheq controlent les routes caravanières qui remonte vers l'Europe ou vont vers la Mecque. Au moyen age, 3/4 de l'or présent en Europe provient du Mali. De belles cités naissent... Peut être ne sont elles proprement touaregs. Il y a débat entre spécialistes. Essouk en est un bel exemple ou bien Tamaradant. Le climat était alors plus clément. On trouvait à Kidal des girafes. Maintenant il faut pousser à 450 km plus au Sud à Ansongo pour en trouver et encore...

Cette photo de girafe est de mon ami italien Saverio Frazzoli

Gravures du site de Tamaradant

Les tribus les plus puissantes (les ifoghas et les Idnanes notamment) sont celles qui sont capables de lever des hommes pour contrer les razzia (ou rezzou) en provenance du sud de l'atlas ou pour aller effectuer des razzias sur les greniers des agricultueurs noirs au fleuve. Ces grandes tribus avaient sous leur protection des tribus de moindre importance qui eux même avaient sous leur domination des hommes libres ou Imghad. En dessous venait les forgerons (chez les tamasheqs, encore de nos jours, le travail noble est celui de l'éleveur et tout travail manuel est peu valorisé) puis les Iklans (ou bella) qui sont les esclaves capturés plus au Sud. Aujourd'hui l'esclavage a disparu dans cet région mais certaines personnes restent attachées économiquement mais aussi sentimentalement à leurs anciens maitres. Plus d'esclave donc contrairement à ce que j'ai pu libre dans certaines page d'Al Watan, un torchon algérien pourtant réputé là bas. De plus actuellement, la population est largement métissée. L'ensemble est dirigé informellement par le grand amenokal Afaghi qui a le pouvoir de rassembler les hommes pour la guerre.

L'arrivée des français avait permis de créer un nouvel élan dans cette région du monde et leur établissement avait été relativement bien accueilli dans la mesure où les élites locales et le système traditionnel étaient respectés (pour plus d'info, consulter des ouvrages de Clauzel).
Ancien fort colonial

Batisse résidentielle coloniale

Pour les populations noires du Sud, il était hors de question que l'indépendance permette la reprise de l'anarchie et des razzia. Pour les Kel Tamasheq, il n'était pas non plus question de passer sous la domination des Soudanais (autre nom pour le Mali d'alors). De toute façon, le développement induit par la colonisation avait déplacé le centre de gravité du pays vers le Sud qui avait su se tourner vers l'avenir.
Pour le pouvoir de Modibo Keita, il s'agissait donc de bien tenir en respect ces turbulents nomades d'autant plus que les régions Nord seraient stratégiques avec la présence, très supposée, de pétrole.... De mettre les nomades au pas en les amenant à l'école, etc...
En 1963, quasiment spontanément, la première rebellion touareg éclate. Les soldats maliens appliquent une politique de terre brulée, tuent le bétail, empoisonnent les puits, et créent une zone interdire, pratiquent humiliation et exécution, etc.... Un des officiers maliens traine encore aujourd'hui une sombre réputation: Diby Silas Diarra. Mister Socie, te rappelle tu de la tour au centre ville. Et bien c'est là d'où opérait ce petit Sauron.
Rapidement l'Adrar se vide et la révolte échoue.
La région devient zone militaire et interdite aux étrangers jusqu'au début des années 1990. Seule la transaharienne reste accessible comme l'atteste la présence de carcasses de voitures laissées par des aventuriers européens et qui ont largement servi ultérieurement de matière première pour l'artisanat local.
Carcase de voiture sur la transsaharienne

Transsaharienne aménagée au niveau Agielhock

La région de Kidal est alors coupée du monde.
Son ancien fort colonial est transformé en prison politique. Ironie de l'histoire, lorsque que Moussa Traoré renversera Modibo Keita dans les année 1970, il enverra son opposant croupir dans les prisons de Kidal. Parait il que son nom est même gravé dans une geole. La tuelle militaire est pesante. Plus grave, dans les années 1970 et jusqu'au milieu des années 1980, de terribles sécheresses se succèdent. C'est l'époque du Paris-Dakar, de Balavoine qui s'arrête pour déposer des sacs de riz, etc.... Certains éleveurs perdent tout. Des notables découvrent la mendicité dans les camps de réfugiés en Algérie. Beaucoup s'exilent en Lybie, en Algérie. Certains surviront de L'aide international qui lui est destiné est détourné pas l'état maien.... Exit la fiereté tamasheq? Fin de société insolite?
Pourtant sous ces cendres éteintes couvaient une braise ardente! L'étincelle viendra de la diaspora...

mardi 26 décembre 2006

Généralités maliennes

Le Mali représente environ 2,5 fois la superfie de la France pour une population d'environ 12 millions d'habitants. C'est le 5e pays le plus pauvre du monde. Son économie est essentiellement agricole, production vivrière mais également production de coton. La exploitation aurifère se développe aussi.
Une grande vallée de climat depuis la savane arburée au Sud aux déserts les plus arides à l'extrême Nord.
On peut distinguer 2 Mali. Le Mali "utile" au Sud de Mopti où tout pousse à peu près normalement, notamment à Sikasso avec ses 1200 mm de pluie annuel, Bamako le poumon économique moderne et le delta du Niger, vaste espace aménagé en rizière à l'époque coloniale.
Au Nord de cette ligne, le Mali "inutile", qui correspond au Gourma, la région de Tombouctou, de Gao, au grand Azawad et à Kidal. Ces zones à pluviométrie très aléatoire sont essentiellement tournées vers le nomadisme. Le fleuve Niger constitue une espace d'exception dans ce milieu désertique ou semi désertique. Ses berges constituent une bande verte où sont cultivés essentiellement le riz et différents produits maraichers. Moi qui habitait en permanence dans le désert, c'était à chaque fois un émerveillement que de voir cette vaste étendue d'eau.
Le Mali est peuplé d'une mozaique d'ethnies encore très différenciées les unes des autres même si la différence a tendance à s'estomper.
L'ethnie principale est l'ethnie bambara qui représente plus de 50 % de la population. Ils se concentrent autour de Bamako-Segou et domine la vie politique malienne à tel point que le bambara est la langue nationale du Mali (le français étant la langue officielle). Cela n'est pas sans poser certains problèmes d'acculturation mais j'y reviendrais. A l'ouest il y a les Malinkés et les Solinkés. J'avoue avoir du mal à les différenciés des Bambaras. Je connais mal l'ouest du Mali. Je sais que la plupart des Maliens de France viennent de la ville de Kayès.
Tout au long du fleuve on peut rencontrer l'ethnie des Bozos spécialisés dans la pêche nomadisant. Le Sud Ouest de Mopti est le territoire des Dogons dont les rituels des masques sont très célèbres. Ils habitent le long de la falaise de Bandiagara. C'est une zone très prisés des touristes. A partir de Mopti, l'essentiel des berges est occupé par l'ethnie songhay sédentaire, ce qui n'est pas sans poser certains problèmes fonciers avec les éleveurs nomades. L'éternel conflit pasteur agriculteur qui a fait tant de ravage en Afrique. Il n'y a qu'à voir au Darfour....
Plus à l'Est dans le Gourma on trouve des éleveurs Peul (qui sont présents dans toute la bande Sahélienne de l'afrique de l'Ouest) et des éleveurs Tamasheq.
Enfin le sahara est partagé entre les maures (ce sont des nomades arabes) au Nord Ouest et des Tamasheq au Nord Est. A part la langue, peu de différence entre eux. Les arabes ont plutôt tendance a occuper les grandes plaines et réalise du grand nomadisme chamelins alors que les Kel tamasheq se limitent plutôt aux vallées et sauf grosse anomalie climatique, nomadisent sur un rayon de 50 km.
Je ne m'attarderais pas d'avantage sur les généralités maliennes et je me concentrerai sur l'azawad et la région de kidal.

dimanche 24 décembre 2006

Bonne arrivée Bismillah!

Octobre 2002:
Je suis physiquement arrivé à Bamako, capitale du Mali. Mes bagages devront attendre encore quelques jours. A la descente de l'avion, grosse claque, j'ai l'impression de rentrer dans un four. C'est la fin de l'hivernage a la saison des pluies a été très médiocre.
Je suis accueilli pas le réseau des volontaires du progrès (c'est le nom de ma "nouvelle secte"). J'y découvre rapidement sa complexité, ses mesquineries et ses histoires de clan. Enfin je reçois mes bagages pleins d'accessoires et de logiciel divers que je crois indispensable. Je me trompe lourdement sur tout ça sauf peut être pour mon appareil photo et la carte des constellations d'étoiles que je perdrai rapidement d'ailleurs.
Rapide intronisation auprès du boss, mister JOJO, l'archétype du type qui a trop "duré" en Afrique. Il m'explique que j'ai beaucoup de chance, que s'il était plus jeune, il aurait aimé être affecté à Tessalit, petite bourgade à 50 km de la frontière algérienne. Il me dit qu'on en rediscutera dans 2 ans mais qu'à son avis j'allais adorer. Hop tape dans le dos... Il n'avait pas tort!
Petit intronisation auprès du chef de programme (je suis mis à disposition d'un projet du FED, le fond européen de développement) qui m'explique qu'étant donné mon "faible" niveau de diplome (connard!), la responsabilité de la cellule région sera bicéphale. Ca ne durera même pas 1h. Mais j'en ai pas pas encore fini avec les problèmes de chefferie africaine.
Pas le temps d'attendre toutes les démarches administratives, mon précésseur m'attend impatiemment. J'ai signé pour en chier, bordel!
Un voyage de 18 heures de bus m'attend pour rejoindre Gao, la grande ville du grand nord malien. Chargement olé olé, 2 m de bagage sur le toit du bus, des passagers installés dans la l'allée centrales pour 1200 km. Je m'installe vers le fond...tiens c'est gavé de touareg....les rebelles parlent aux rebelles. Allez yala yala!

Ségou-San-Mopti-Douentza. A chaque ville, à chaque pause, le même rituel.... 100 francs 100 francs, des jeunes filles qui vendent des poches d'eau, de lait, des bananes ,des biscuits, et autres artisanats.... Plus sympa au delà de Mopti, en sortant du "Mali utile", des peuls, grands éleveurs du Sahel, vendent du lait frais: croyez moi c'est denrée rare. Nous traversons les monts Hombori et la célèbre main de Fatma.
La main de Fatma près de Hombori

La nuit tombe. Au loin des éclairs: les dernières pluies de l'année. C'est beau et effrayant à la fois. La pluie goutte à l'intérieur du bus. Ma fenêtre est bloqué. Avec la pluie j'ai froid.
Je me blotis contre l'épaule de ma camarade d'équipée.... je ne peux pas dormir. Je rêve éveillé. Les Bambaras de Bamako ont leurs cheveux qui s'irisent sur la tête au simple nom de kidal et des Tamasheqs (c'est comme ça que j'appelerais les touaregs car c'est leur vrai nom. Touareg est un mot arabe qui signifie les égarés ou quelques choses comme ça ca. A l'époque, les Tamasheqs étaient quelques peu rectifs à l'islamisation). A part du sable, de la poussière et des rebelles, ils n'y a rien.....No comment.
Régulièrement, je suis sorti de mes songes en sursaut par le croisement d'un bus en plein phare. Il n'oublie pas non plus de claxonner. Les routes sont rectilignes (donc endormissantes) et étroites. Surtout elles sont en mauvais états. Chaque hivernage ronge la largeur de la route. Je ne vous parle même pas des enfants et des charettes tirées par des ânes. Bienvenue dans l'afrique de l'ouest rurale.
Gao et sa dune rose sont en vue. pas de bol. La ville est sur la rive gauche du Fleuve Niger et il va falloir atendre le bac de 6h et dormir parmi les moustiques inpaludés du fleuve.
Gao est l'ancienne capitale de l'empire Songhay qui dominait quasiment l'ensemble du fleuve Niger jusqu'au Frontière du Niger et du Nigeria. Avec ses 50 000 Habitants et ces 3 goudrons, elle fait office de grandes ville et on y trouve de "tout" (entendre par là les produits locaux africains tel que les fruits, du beurre, du poisson, etc.... pour le double du prix de Bamako. A Kidal, le prix des fruits est peut être multiplié par 4).
Nous traversons le fleuve mais hop méga creuvaison à 5 km de la ville... mort de rire!
Le tombeau des Askias à Gao

Pirogue, Niger et dune rose au loin

Quelques carrés d'habitation à Goa


Jeunes enfants songhoy au bord du fleuve


De toute façon, il n'y aura pas longtemps à attendre car la cavalerie viendra à ma rescouse avec mon nouveau blanc destrier: un Land Rover Defender 110 double cabine.
Il y a là la fine fleur de mon équipe de choc

Saghdie Ag Mohamed: mon chauffeur, ancien contrebandier Tamanghasset-Kidal, un peu porté sur la vitesse mais avec un tel véhicule c'est bien normal. Tifoussen wortila mais Amidin Oulane

Mohamédine Ag Alfaky: mon animateur (comprendre expert du milieu, négociateur au niveau des communautés, traducteur, coursier), disons mon bras droit social. Originaire de Tombouctou, fumeur invétéré: ia sou, tabac todadna (je suis pas bien sûr de l'orthographe, d'ailleurs l'ai je été un jour?), issu d'une famille chérifique c'est à dire descendant de celle du prophète, un brin manipulateur mais bon imachoren imachoren

Plus que de simples salariés, ces deux personnes ont montré une réelle motivation pour notre projet. Une volonté de travailler pour leur pays. De travailler le week end si nécessaire,etc... Ce fut un plaisir de travailler avec eux. Une fierté même. Quel différence avec le management à la français!!!

A Gao, nous faisons le plein de produit frais: oeufs, fruit.... J'en déduis rapidement que mon futur régime alimentaire ne va pas être diététique... et Ailwa nigla!

Je serais tenté de dire que Gao est le terminus du Mali. D'ailleurs il n'y a aucune infrastructure majeur au Nord de cette ville. Pas le moindre kilomètre de goudron. Ah si peut être...... pas mal de caserne: l'ambiance est donnée. Après un controle militaire, en route pour Kidal à 350 km plus au Nord. Il a plu récemment et les pistes sont impratiquables. Il faut prendre un chemin détourner vers les sables de Bourem
Vue de Bourem

Au bout de quelques heures de route, une tempête de sable s'est levé et rapidement on ne voit plus rien à 2 m. Malgré les vitres clauses, le sable s'imisie dans la voiture. La tempête se calme mais force est de constater que nous sommes perdu et sans le GPS....
Désolation du Tilemsi

Difficile de s'orienter dans cette désolation. Il n'y a plus aucune végétation ni même de point de repère.... Errance...
Petit détail en passant, notre defender a passé le test des oeufs de la 2Cv. Aucun oeuf cassé..... pourtant ça a secoué...

Enfin quelques chose au loin.... de rares arbuste, une mare (plutôt devrai je parler d'une flaque d'eau), un homme....

L'homme n'est en fait d'un enfant venu faire boire ses chèvres dans une des dernières mares de la saison. Il porte la crête mais à ma grande déception, rien à voir avec le mouvement punk et les sex pistol. L'enfant est juste étudiant d'une medersa, une école coranique où les étudiants apprennent par coeur les versets du coran. L'enfant a l'air ébété déjà de rencontrer quelqu'un mais encore plus surement que ce soit un acarfa ou plutôt un icofar, c'est à dire un infidèle. Saghdie échange quelques mot avec l'enfant et nous repartons. La nuit tombe....
Nous repartons et enfin un fût puis un controle militaire nous indique qu'enfin nous atteignons Anefif, la porte de l'Adrar des Ifoghas. L'adrar est le terme pour région vallonée et les Ifoghas est la principale tribut noble des Tamasheqs.

Je ne vois pas encore le village... les maisons en banco (un mélange de sable et d'argile sèché), des portes en fût de pétrole découpé, pas de grande architecture. Une assiette de riz sauce, au matelas posé au sol. Je m'apprête à vivre ma première nuit saharienne. Je rencontre à la lueur de la torche Ahmed Ag Guidi, qui sera un partenaire important. Dès que la lumière est allumé, nous sommes quasiment recouvert de grosses sauterelles. Je m'endors... Quelle première journée!
Anefif est une ville (heu plutôt un village...) sans grand intérêt mais est pourvu de bons paturages correspondant au déversement des eaux qui se concentrent dans les montagnes.
Nous abordons la montée dans les montagnes de l'adrar des Ifoghas. Ce massif cristallin est un massif cristallin très ancien associé à un cortège de roches métamorphiques. Les roches les plus dures affleure sous forme de blocs cyclopéens arrondis par descamation sous l'effet des fortes variations thermiques. Le massif n'est pas très élevé puisqu'il culmine à à peine 900 m mais le relief est suffisant pour créer un réseau hydrographique (ou plutôt d'oued) qui concentre les pluies sur des bandes de limons extrêmement fertiles. A ces latitudes, il pleut rarement plus de 100 mm par an. Parfois il ne pleut pas de l'année. Autant vous dire tout de suite que chaque goutte est vitale

Paysage de l'Adrar des Ifoghas

Si la remontée de la vallée du Tilemsi et ses désolations m'avait plutôt inquiété, l'entrée dans l'Adrar me rassura complètement sur mon futur nouvel environnement. Déjà Kidal approchait. Ma nouvelle ville de "villégiatude" pour 1,5 ans.
Kidal, Kidal, Iahane! Bismillah bonne arrivée!


To be continue....

mercredi 20 décembre 2006

Mais que Diable allait il faire dans cette galère....

Presque 3 ans déjà que j'ai quitté ce pays merveilleux qu'est le Mali. Ce feu autrefois si ardent commence à s'éteindre. Peut être je l'idéalise, le temps ne laissant en souvenir que les bons côtés des gens. Aujourd'hui cette séparation m'est moins douloureuse et mes souvenirs commencent à s'éroder. Il est temps de coucher quelques lignes dessus. Tout ce que je m'apprête à vous raconter est absolument vrai et s'est déroulé d'Octobre 2002 à Février 2004. Par respect pour ma propre vie privée et celle des personnes que j'ai eu la chance de rencontrer, je serais même amené à m'autocensurer

Que m'a t il donc pris en cette année 2002? J'avais un job qui avait ses inconvéniants mais tout à fait satisfaisant, des projets, des amis, ma famille, etc.... Bref une petite vie qui ronronnait.
Et pourtant je m'apprêtais à prendre une décision qui allait inflecter profondément la trajectoire sensée rectiligne de ma vie en m'engageant dans une aventure humaine chez les touaregs du Mali.
Mais qu'est ce qui m'a poussé à un tel choix?
Est ce la rencontre ici d'un Tchadien, là d'angolais?.... Est ce mon caractère révolté, romantique et écorché vif?....
Les musulmans se plaisent à croire que le futur est écrit, qu'on ne peut pas échapper à son destin....Mektub, mektub....
Moi je crois plutôt que certaines personnes dont je fait parti ne peuvent pas se contenter des certitudes que leur a donné leur éducation, du confort que leur procure la société de consommation et de leur supériorité supposée mais toute relative.
Imaginez que vous habitez dans un village perdu dans une quelconque campagne vallonée.Tout s'y passe à merveille mais vous ne voyez pas ce qui se passe à l'horizon. Vous aimeriez bien voir ce qui s'y passe mais c'est formellement interdit: là bas c'est l'enfer mon petit, famine, peste, sida, guerre et choléra. Pourtant, enfreignant ce tabou, un jour vous gravissait cette crête. Que c'est joli de ce côté là. Et si vous alliez voir en contrebas ce qui s'y passe... Au delà une autre colline et déjà la curiosité de voir la suite. Vous avez vite fait de vous retrouver bien loin de votre cher village. Trop tard pour faire demi tour. D'ailleurs pourquoi y revenir? Les gens ne vous comprendrez pas.... Pourquoi as tu quitter ton chez toi? Tu as tellement changer depuis ton retour, on ne te reconnait plus? Que s'est il passé en mon absence? Euh rien....
Bénédiction ou malédiction? En tout cas, en cette fin d'année 2002, je m'apprêtais à rejoindre Kidal, chef lieu de la 8e région du Mali. Région la plus pauvre d'un des pays les plus pauvres du monde....

To be continued....